FAIRE MEMOIRE D’UNE FONDATION 150ème ANNIVERSAIRE DE LA FONDATION DE LA VIE CONTEMPLATIVE SAINTE FAMILLE
Célébrer un anniversaire n'a rien d'extraordinaire… même s'il s'agit des 150 ans d'un groupe. Ce qui est important, c'est à quoi nous conduit cette célébration, à quoi elle va conduire les sœurs contemplatives, à quoi elle va nous conduire nous, leurs sœurs et leurs amis.
En famille, à l'école, dans les collectivités, on célèbre les anniversaires. Un temps de convivialité, un temps où la ou les personnes deviennent le "centre" d'une fête. Il y a peut-être un cadeau à l'appui, une photo, voire un film qui restera un souvenir.
Les entreprises fêtent facilement aujourd'hui leur anniversaire. Le but est la plupart du temps l'occasion d'une "promotion commerciale". Ce sont les clients qui sont appelés à la fête … et le commerce qui y gagne!
Les pays fêtent aussi des anniversaires. On fait alors état d'un évènement fondateur (14 juillet), d'évènements de salut (11 novembre; 8 juin) Tous les citoyens sont appelés à la fête. Ces anniversaires sont la "mémoire commune" et ont pour fonction d'unir dans l'identité propre qu'ils ont forgée.
Aujourd'hui, réunies pour un anniversaire, nous allons "faire mémoire" de l'histoire qui a façonné l'identité du groupe contemplatif de la Sainte Famille tel qu'il nous est connu aujourd'hui.
Mémoire d'un homme: Pierre-Bienvenu Noailles (1793-1861); mémoire de nombreuses femmes, la majorité anonyme, sœurs Solitaires et responsables qui n'étaient pas des sœurs Solitaires mais qui ont été amenées à prendre des décisions pour l'évolution de cette « branche » du grand arbre de la Sainte Famille. En partageant la mémoire de nos sœurs contemplatives, nous les connaitrons mieux et comprendrons mieux leur vie, du moins je l'espère…
"Souviens-toi": cette injonction est faite souvent au peuple hébreu pour qu'il n'oublie pas son identité de peuple choisi. "Faites ceci en mémoire de moi" demande Jésus à la Cène pour que nous entrions toujours davantage dans notre identité d'Église.
I - FAIRE MÉMOIRE D'UNE FONDATION, C'EST REVENIR À UN "ÉVÉNEMENT FONDATEUR"
Le mot "évènement" pourrait nous induire en erreur si nous le prenions au sens strict, un fait qui s'est passé en un lieu et en un temps déterminés. Un "évènement fondateur" s'enracine dans une suite d'évènements. D'autant plus ici. Cet "évènement" est le fruit d'une "recherche" de la volonté de Dieu, donc d'un appel et d'une réponse et ce, non seulement de la part d'une seule personne, Pierre-Bienvenu Noailles, mais aussi de celles qui ont répondu à l'appel intérieur du Seigneur et ont constitué la première communauté des Solitaires.
L'aventure commence bien avant 1859. Sans trop nous étendre revenons en 1837 et écoutons ce qu'écrit alors Pierre-Bienvenu Noailles au vicaire général de Châlons-sur-Marne (aujourd'hui Châlons-en-Champagne) :
« Vous m'avez parlé' d'une congrégation contemplative. C'est ce qui manque à notre Association. Tandis que tant de membres de cette Société se dévouent aux Œuvres extérieures, il me serait doux de compter, parmi eux, quelques âmes angéliques, uniquement occupées dans la solitude, à appeler par leurs prières les bénédictions du ciel sur les travaux de l'Association."
En 1839 la mère Chantal Machet qui non seulement connaît le désir du Fondateur mais désire pour elle-même cette forme de vie écrit: " Fondez la première maison des Solitaires de la Sainte- Famille, mon Père, et vous verrez ce que le Bon Dieu fera pour les autres Œuvres."
Ce n'est qu'en 1856 que Pierre-Bienvenu Noailles décidera … Il est bon de "deviner" le travail de l'Esprit durant ces longues années, l'humble recherche de la volonté de Dieu à travers les évènements, l'attente confiante des esprits et des cœurs. Un évènement fondateur ne dépend pas de la seule volonté humaine.
Avril 1856. L'Administration Générale revient à Bordeaux. La Solitude est "libre": c'est le "déclic". "Pierre-Bienvenu Noailles écrit à son Conseil: " J'ai l'intention de former un noyau de sœurs solitaires et j'ai choisi pour commencer secrètement cette œuvre, celles qui ont manifesté l'attrait pour une vie hors de la vie ordinaire et qui me paraissent dans les conditions voulues pour cet essai..." et à la Mère Bonnat: "Je vous attends pour m'aider à fonder les Solitaires et mettre ainsi une dernière main à l'œuvre qui me retient encore ici- bas."
Deux ans après, il présente son œuvre à l'autorité ecclésiastique, sollicitant sa bénédiction. Souci de faire œuvre d’'Eglise, "sceau" authentifiant ce qui a pris naissance en secret.
C'est en juin 1859 que la première communauté des Solitaires paraît au grand jour. Elles sont 5 en ce lieu où nous sommes aujourd'hui. Elles sont avec nous aujourd'hui non seulement présentes dans notre souvenir mais présentes parce nous leur devons ce que sont aujourd'hui nos sœurs contemplatives.
Au Cardinal Donnet, archevêque de Bordeaux, l'abbé Noailles avait écrit: « Cette Œuvre est le complément indispensable de toutes celles de l'Association » et encore « C’est le dernier développement donné à la Sainte-Famille et que son organisation appelle depuis longtemps. »
C'est dire la place de cette nouvelle Branche dans l'Association. Et il trace cette place aux sœurs dans les Règles qu'il leur donne: " Sœurs de la Sainte-Famille, elles doivent avant tout s'efforcer d'imiter la vie de Jésus, Marie et Joseph dans la maison de Nazareth: vie toute cachée en Dieu par le recueillement et la prière, vie d'amour et d'immolation par la pratique de l'obéissance, du renoncement à soi-même et d'un zèle plein d'ardeur pour le salut du prochain."
" Placées au milieu des œuvres de l'Association comme des anges de prière, elles ne cesseront d'appeler sur les sœurs employées dans la vie active et sur les missions qu'on leur confiera les grâces et les bénédictions qui leur seront nécessaires. "
" Les Solitaires mettront en tête de leurs offices du chœur l'adoration perpétuelle de Notre Seigneur au Saint Sacrement de l'autel. Ce divin Maître a béni miraculeusement notre Association dès sa naissance… Or nous lui devions tout à la fois de perpétuelles actions de grâces pour une si grande faveur et de continuelles supplications pour en faire découler tous les secours spirituels dont nos différentes Œuvres ont besoin. Il était donc naturel que quelques-unes de nos Associées, bénies en la personne de nos fondatrices, représentent toute la Famille dans l'accomplissement de ce double devoir, et c'est la mission confiée aux Solitaires."
1837-1859: le "projet" a pris naissance; la semence est jetée; l'évènement fondateur a pris corps ....
Une histoire commence.
II - FAIRE MEMOIRE, C'EST RAPPELER UNE HISTOIRE POUR INCRIRE L'AUJOURD'HUI DANS CETTE HISTOIRE
Comment rappeler 150 ans en un laps de temps si court? Et pourtant les sœurs qui nous ont précédées méritent d'être, en ce jour, présentes à nos esprits et à nos cœur, de même que les diverses "supérieures" qui ont eu le souci de "conduire" l'œuvre naissante, toutes les responsables qui ont accompagné la communauté durant ces longues années. … La mort de P.B.Noailles étant en effet survenue peu de temps après cette dernière fondation.
Pour plus de facilités, je me propose de di viser des 150 ans en 4 étapes:
• 1859-1971 • 1871-1920 • 1920-1966 • 1966- 1987
Il me semble important de signaler le contexte politique: la guerre de 1870; la chute de l’Empire; l'établissement de la 3ème République. Sans être "marquants" pour la vie de la communauté, on ne peut penser que la communauté y a été totalement étrangère. Cependant il est clair que ce sont les besoins "intérieurs" qui vont marquer l'évolution.
Le 8 décembre 1860, une propriété est trouvée à Talence, achetée. Le Bon Père la "baptisera" Saint- Pierre" et dessinera les plans d'un monastère à construire correspondant aux besoins propres de la vie des Solitaires. En attendant le déménagement se fait et en 1861, c'est l'installation dans les locaux tels qu'ils sont: un premier déménagement!
Les rapports de 1863 livrent deux préoccupations importantes d'un autre ordre. "L'œuvre des Solitaires a pris peu de développement. Depuis sa translation à Talence, une seule postulante s'est présentée dans des conditions acceptables." A cette préoccupation s'ajoute celle posée par la clôture.
Cette dernière paraît en contradiction avec le caractère séculier de l'Association; de plus, elle fait craindre des conflits avec les évêques du lieu qui habituellement ont juridiction sur les couvents cloîtrés.
Une solution: "Les sœurs conserveront la clôture dans leur cœur; l'œuvre propre des Solitaires sera "une maison de retraite". Le Bon Père avait envisagé que les Solitaires offrent aux sœurs de la Famille tout comme à des femmes le désirant, un lieu de paix et de prière.
Cette situation amène en 1870 une question brûlante: doit-on considérer les Solitaires comme une congrégation distincte ou comme une maison de retraite? La réponse est donnée clairement: il faut conserver dans son intégrité la pensée du Fondateur, une congrégation à part entière, construite sur les mêmes bases que les congrégations nées avant elle et ayant leur vie propre. Ce qui n'empêche nullement que les Solitaires aient comme but "une maison de retraite". Ce qui amène en janvier 1871 à faire quelques adaptations aux premières Règles.
En attendant que se crée cette "maison de retraite", on donne aux Solitaires la mission de prendre soin des malades, ce qui amène à Saint-Pierre, non seulement des sœurs malades, mais aussi des infirmières. Ont-elles la vocation contemplative? Soulignons aussi qu'à la proclamation de la République, la communauté s'était réfugiée rue du Mirail (un déménagement de deux mois seulement) et qu'en revenant à Saint-Pierre, elles vont assurer un service près des blessés de guerre dans une ambulance du quartier.
Dans tout ce "mouvement", l'essentiel demeure: la vie simple de Nazareth, l'action de grâces, l'adoration perpétuelle (il est souligné qu'elle a été assurée durant les deux mois passé rue du Mirail), l'intercession qui, on peut le deviner, n'est pas restée centrée sur la Famille!
• 1871-1920
La fin du 19ème siècle et le début du 20ème voient s'ouvrir une période marquée par l'industrialisation avec ses conséquences, l'instruction obligatoire, la séparation de l'Église et de l'État, la crise du modernisme, une nouvelle guerre… Et les sœurs voient disparaître les proches collaboratrices du Bon Père, leurs sœurs "fondatrices".
La propriété de Talence est vaste mais les locaux sont exigus pour une cohabitation avec les sœurs de Sainte-Marthe, des locaux d'ailleurs inadaptés pour l'une et l'autre communauté.
Les Règles revues en 1871 ont défini le but de l'œuvre par l'action de grâces pour la bénédiction miraculeuse donnée à la Sainte-Famille et par la prière continuelle pour les Supérieures et les membres de la Famille. Et pourtant cette "dernière-née" ne semble pas bien comprise par l'ensemble des membres de la Branche de Marie puisque en 1874 la mère Couteau, alors responsable, écrit: "Nos chères sœurs qui travaillent dans les œuvres pensent peut-être que nous avons beaucoup de loisirs; il n'en est rien. Nos occupations sont aussi variées que multiples. Dans l'intervalle de nos exercices de piété, nos sœurs s'occupent, selon leurs aptitudes, à tous les travaux manuels possibles: ornements d'église, broderie, fleurs artificielles ... Mais leur occupation principale est la prière, l'office, l'adoration perpétuelle de jour et de nuit."
Les rapports de 1884, 1888, 1890, 1896 reprennent des questions déjà posées et qui deviennent récurrentes: le développement de cette Œuvre, les locaux, le personnel ... Il est même évoqué de s'en tenir pour les Solitaires à une seule communauté. Pourtant reste bien ancré le désir du Fondateur que les Solitaires soient une Œuvre comme les autres avec son développement propre. Constat est fait aussi que les locaux trop exigus et le manque de personnel formé ne permettent pas L’expérimentation d'une maison de retraite. C'est alors que se décide la construction d'un monastère en suivant les plans tracés par P. B. Noailles: la maison doit correspondre à la fois à la vie de la communauté et à l'œuvre des retraites. Le 24 juin 1899 a lieu la bénédiction de la première pierre.
Les Solitaires vont quitter Saint-Pierre pour s'installer à la villa de Suzon. Troisième déménagement… pour trois ans. Elles reviendront dans un monastère flambant neuf en 1902. D'autres changements les attendent, autrement importants. Ce 20ème siècle s'ouvre sur une période particulièrement difficile pour l'Église de France et les congrégations religieuses. C'est la sécularisation des sœurs de la Conception, la fermeture de nombreuses maisons, le départ de la maison générale à la frontière espagnole, la confiscation de biens… Cet ensemble de situations va avoir des conséquences importantes pour cette nouvelle Branche qui n’avait pas encore trouvé son chemin!
Il y a un "tournant" pour l'ensemble de l'Œuvre du Fondateur. On ne peut reprendre ici toute 1'histoire qui a amené ces difficiles décisions. La Sainte-Famille est reconnue comme Institut religieux; elle doit donc changer ses Constitutions; ces dernières seront approuvées le 18 décembre 1903. Je me permets de citer ici un peu longuement la circulaire du 24 décembre de la Mère Marie de la Nativité Lionnet, présentant les nouvelles Constitutions:
" J'emploie le mot "nouvelles" à dessein, mes chères Filles, pour vous faire comprendre que, si nous avions à cœur, comme chacune de vous, de maintenir dans toute son intégrité l'Œuvre du Bon Père, il fallait cependant se résigner à y apporter les modifications sans lesquelles ces Constitutions n'eussent pu recevoir la sanction de l'Église, et que du reste, le Bon Père lui-même aurait accueillies avec joie. Mais je suis heureuse de vous le faire remarquer maintenant; si ces modifications introduisent quelques changements inévitables dans la législation de la Sainte-Famille, elles n'altèrent en rien, grâce à Dieu, l'esprit fondamental de notre Institut." Les Branches sont réduites à trois. Les Solitaires ne font donc plus une Branche particulière. "
En janvier 1904, la Bonne Mère informe de la situation nouvelle des Solitaires :
"Les Solitaires ne sont pas mentionnées officiellement dans les Constitutions. C'est que le Saint-Siège a voulu qu'elles fussent, par leurs prières, l'âme de tout l'Institut: lumière pour celles qui dirigent, soutien et force pour celles qui travaillent, chaleur vivifiante puisée dans le cœur de Jésus auprès duquel leur vie se consume et qu'elles doivent communiquer à toutes. Pour cela et à cause de cela, le Saint-Siège a estimé qu'elles devaient, comme le gouvernement général lui-même, être dégagées de toutes les Branches et appartenir à toutes par la puissante collaboration de la prière et du sacrifice."
Il est sûr que cette situation nouvelle enlève les difficultés rencontrées jusque là pour la clôture, l'œuvre extérieure, l'extension, le recrutement des vocations ....
Cependant la question du personnel revient dans le rapport du chapitre général de 1911, portant sur la période 1905-1911. "Le personnel n'est pas en rapport avec les besoins de l'oeuvre qui, sans être active, requiert pour atteindre son but, des sujets valides." Assurer l'adoration de jour et de nuit, faire face aux travaux inhérents à la vie de la communauté demandaient des personnes valides!
Une succession d'évènements va toucher la communauté La "grande maison" va devenir trop petite… En effet, en mars 1904, arrivent à Saint-Pierre les sœurs qui vivaient à La Solitude: n'étant plus présentes dans ce lieu, il était possible de soustraire la propriété à la confiscation qui menace les immeubles des congrégations. La confiscation a touché Royaumont (l'Ile-de-France) où était le noviciat général. Le noviciat s'est replié en Belgique ... mais la guerre de 1914 va faire qu'il est transféré à Woodford en Angleterre .... De là il semblera bon de le transférer à Saint-Pierre ... provisoirement. Le 11 novembre 1914, novices et postulantes arrivent… Et en février 1915 une ambulance de la Croix-Rouge occupe quelques locaux! La vie s'organise au mieux. Mais il est clair que cela ne peut durer. En 1920 la question est posée: Où transférer le noviciat? La question va se transformer rapidement en: doit-on acquérir un immeuble nommé Sainte-Hélène pour laisser toute la maison de Saint-Pierre aux novices et postulantes ...
Le 14 juin 1920 un groupe de Solitaires part pour Sainte-Hélène qui sera rejoint le lendemain par le groupe des sœurs plus âgées. Une nouvelle étape ... un 4ième déménagement. Certes le lieu devait leur être cher mais les sœurs savent bien que ce qui donne sens à leur vie, ce qui en est le cœur, c'est l'appel de Dieu et leur réponse dans une obéissance simple et quotidienne aux évènements.
Depuis 1910 la vocation des Solitaires a été reconnue comme telle; leur Directoire particulier l'exprime ainsi:
"Il est des âmes que le Seigneur appelle d'une manière plus spéciale à vivre, par amour pour Lui, de solitude et de pénitence…"
Cette vie est un témoignage pour tous les chrétiens et a toute sa place au cœur de la Sainte-Famille. Leur mission est triple: mission de prière, de réparation, d'action de grâces. Pour la première fois nous voyons apparaître le mot "réparation" il est facile de le comprendre dans le contexte difficile que nous avons évoqué. Ce Directoire ajoute:
"A cette triple fin de leur institution, les sœurs contemplatives de la Sainte-Famille joindront celle d'offrir, dans leur maison, aux personnes pieuses qui désireraient se retremper dans une retraite de quelques jours, les moyens de vaquer à ces saints exercices."
10 ans que les sœurs se situent dans cette dynamique de vie, fidèles aux moyens concrets personnels et communautaires qui doivent les y aider .... C'est de cette même dynamique qu'elles vont vivre dans ces nouveaux locaux encore inadaptés!
• 1929-1966
Quand est-ce que les sœurs de la communauté ont-elles su que ce provisoire" ne le serait plus? Nous, nous savons que le provisoire a duré 46 ans et que le "monastère" construit pour elles selon les plans du Fondateur, ne les verrait pas revenir! Dans ce demi-siècle des évènements politiques, sociaux, ecclésiaux, internes vont plus ou moins affecter la communauté. Les conflits sociaux n’ont pas eu de conséquences directes mais on peut penser que leur prière d’intercession en a été marquée, bien que l’information ne soit guère à l’ordre du jour. Cette période s'ouvre sur une grande joie. A l'occasion du centenaire de l'apparition miraculeuse du 3 février, le cardinal Andrieu autorise "les sœurs Solitaires de la Sainte-Famille à avoir devant le Saint-Sacrement exposé les adorations qu'elles avaient jusqu’à maintenant au pied du tabernacle." La seule condition posée est : "que deux Solitaires puissent assurer l'adoration la plus grande partie de la journée."
Le 23 juin 1922 la Bonne Hère Gonzague de Marie partage avec toute la Congrégation cetteheureuse nouvelle:
"A notre pieux centenaire se rattache une nouvelle faveur dont la famille entière est appelée à recueillir les fruits. C'est pour moi une grande consolation de vous y associer. Vous connaissez la mission des chères sœurs Solitaires établies par le Bon Père comme la vivante action de grâces du prodige que nous venons de commémorer. En même temps que l'action de grâces, elles adressent à Dieu leurs supplications et, par suite de solidarité entre membres d'un même Institut, à notre vie très active se joint continuellement une somme de prières et de sacrifice destinées à combler ses lacunes…"
Dès le 5 mars 1922 avait commencé l'exposition quotidienne; cette "permanence" à assurer à deux durant la journée va "conduire" la vie de la communauté. La question du personnel revient à l'ordre du jour ... L'adoration continuelle, les différents, travaux et emplois nécessitent un certain nombre de sœurs: en 1934 la communauté compte 28 sœurs dont 5 converses. Et en 1939, la guerre éclate. En décembre 1939 les allemands occupent Bordeaux. La communauté, étant internationale, va être directement touchée. Les 10 sœurs polonaises doivent quitter la ville, ne pouvant résider près de la côte; une sœur canadienne doit rejoindre le camp de Besançon; seules deux sœurs irlandaises sont autorisées à rester sur place, à cause de leur âge et de leurs infirmités. La communauté est réduite à 12 sœurs !
Entre 1942 et 1944, 4 sœurs seulement se joindront à la communauté. L'adoration perpétuelle ne cesse pas pour autant. Mais durant la journée, une seule sœur assure la présence devant le Saint Sacrement. Quelques mois avant la fin de la guerre, l'adoration sera interrompue de 3 â 5 heures du matin.
La fin de la guerre voit revenir certaine des sœurs qui avaient été éloignées ; de nouvelles vocations se présentent. Entre 1945-1948, la communauté compte 25 sœurs dont 5 sœurs converses.
Depuis 1921, un sanctuaire qualifié alors de "bien modeste" a libéré la salle de communauté qui tenait lieu de chapelle à l'arrivée des sœurs à Sainte-Hélène. Aussi peut-on deviner la joie des sœurs à la lecture de la lettre adressée en 1949 à l'occasion des noces d'or de la Bonne Mère Marie-Raphaël, appel était fait à la générosité des communautés à cette occasion : "donner à Jésus Eucharistie une demeure moins indigne de lui et à nos chères sœurs Solitaires un cadre plus adapté â leur mission d’adoratrices et de réparatrices ... "
L'appel fut entendu puisque le 13 mai 1951 a lieu la bénédiction de la première pierre de la chapellequi sera inaugurée le 12 septembre 1952.
Une consolation certainement pour la communauté qui se voit réduite à 19 membres à cause d’épreuves de santé. Or il faut toujours faire face aux emplois, aux mêmes travaux, à la prière, à la vie communautaire, à l'adoration perpétuelle: certaines heures d'adoration nocturne seront temporairement suspendues.
Le Chapitre général de 1951 fait quelques modifications au Directoire dans le souci d'un approfondissement de la prière et du sens de certaines pratiques habituelles. Comme toutes les sœurs, les Solitaires entrent dans cette évolution. Par contre sur ce qui a trait à l’utilisation de la radio, au rapport avec les familles, à la profession religieuse faite publiquement, il n’y a pas de changement pour elles. La clôture ne parait pas être compatible avec ce type de changements.
Par contre, le mouvement, qui va toucher toute l’Église et conduit à Vatican II, se fait sentir : place donnée à l’Écriture Sainte, offices liturgiques, sens du travail, nécessité de l’information. Un «esprit» nouveau se fait jour. S’il passe par des changements externes, ces derniers ne trouvent leur sens que dans l’approfondissement de la vérité de la vocation propre.
Le Chapitre de 1957 voit la suppression des Branches et l’organisation de la congrégation en provinces. Les Solitaires trouvent alors place dans les Constitutions.
"En outre, les Sœurs de la Sainte-Famille, désireuses de vie contemplative, pourront, avec l'autorisation de la Supérieure générale, réaliser leur attrait en se consacrant, dans la solitude du cloître, à la prière et à l'immolation. Elles attireront ainsi les grâces abondantes sur l'Église et l'apostolat de la Congrégation."
Ce même chapitre pose la question de l'extension des Solitaires hors de la France. Le principe est non seulement admis mais souhaité si nous en croyons la circulaire du 29 juin 1958:
"Daigne le Seigneur nous accorder de telles vocations en plus grand nombre pour nous permettre de former dans la Congrégation d'autres communautés cloîtrées. Ces foyers de ferveur, vouées essentiellement à la prière et à l'action de grâces, tout à la gloire de Dieu et au bénéfice de la Sainte-Église, décupleraient ainsi les forces spirituelles de celles qui combattent dans la plaine au poste périlleux de la charité et du dévouement" (le Bon Père)
Et on peut lire encore dans le procès-verbal du Chapitre: « Qu’on le réalise là où la chose est viable, car il n'est pas nécessaire d'avoir une seule maison des Solitaires pour tout l'ensemble. Ces maisons ne doivent pas être exclusivement réservées à Bordeaux."
La seule condition posée: «qu'il y ait le nombre suffisant de sujets pour former une maison." Le désir ne prendra pas corps… Le même chapitre revient sur l'œuvre des retraites fermées ... Là non plus, rien ne fut fait.
C'est sûrement avec Joie que les Solitaires accueillirent ces déclarations. Cependant l'important reste pour la communauté la vie quotidienne où sont apportés divers changements.
On voit le souci de faire participer la communauté à la vie de la congrégation tout en gardant clairement la réalité de la clôture. On ouvre exceptionnellement le cloître pour la célébration du centenaire de 1959; des sœurs solitaires vont participer à la maison générale aux célébrations pour le centenaire de la mort du Fondateur en 1961.
On reçoit à Sainte-Hélène des sœurs qui désirent faire leur retraite mais, si elles peuvent profiter du cadre de silence et de recueillement, il n'est pas question qu'elles partagent la vie des Solitaires.
Souci aussi de les faire participer à la vie du monde par l'information, de l'Église par des conférences, des sessions de formation. On entre aussi dans le désir d'un travail "rentable", ce qui nécessite des aménagements pour l'adoration perpétuelle. La communauté est aussi appelée à un travail sur la vie consacrée dans l'Institut par la préparation au chapitre général, sur sa propre vie par la révision du Directoire particulier.
Le chapitre de 1963 va projeter le transfert de la communauté à La Solitude. Les raisons en sont diverses depuis le souhait de voir revenir les Solitaires dans leur lieu d'origine jusqu'au souci d'éviter les frais d'entretien d'une maison, en passant par la possibilité pour les sœurs de prendre part à l'œuvre des retraites.
Le Conseil général, le 29 avril 1964, décide de ce transfert quand les travaux d'aménagement nécessaires seront terminés! Ils ne l'étaient pourtant pas à l'arrivée de la communauté le 29 octobre 1966.
Pourquoi irai-je plus rapidement pour évoquer ces années? Tout simplement parce que vous avez devant vous des "témoins" directs de cette période et des sœurs qui ont été "actrices" dans les principales évolutions du Groupe. Vous pourrez toujours les interroger pour en savoir plus!
Pourquoi m'arrêter en 1987 et faire partir l'aujourd'hui 22 ans en arrière? Parce que 1987 a vu un changement de structure qui fait que l'on ne parle plus de "branche", ni de groupe mais de Vicariat. L'Institut est dorénavant un Institut religieux à deux vocations. Ce que l'on appelle en histoire "temps modernes" peut dater de là me semble-t-il. Une fois de plus la communauté va vivre du "provisoire": la chapelle de l'adoration sera terminée en mai 1968 et la chapelle Notre-Dame des Graves inaugurée le 8 décembre de cette même année. A l’arrivée des Solitaires, la maison n’était pas vide ! Une communauté apostolique assurait l’accueil au pavillon mais certaines allaient à l’école du bourg de Martillac et d’autres étaient en charge de la propriété et de la ferme.
Des ajustements sont nécessaires… Une seule communauté… mais le rythme de vie communautaire ne peut convenir; deux communautés avec une seule supérieure… En 1968, les sœurs de l'école vont habiter au bourg. A nouveau, une seule communauté. Toutes les sœurs cependant ne se sentent pas appelées à la vie contemplative et les travaux à la propriété et à la ferme ne sont pas toujours en harmonie avec les heures d'office!
En 1972, il sera demandé aux sœurs de faire un choix de vie: ou elles restent à La Solitude entrant dans la vie contemplative ou elles rejoignent une communauté apostolique. Entre temps, le troupeau de moutons a disparu mais il reste un grand potager et le poulailler. La question de la propriété sera plus longue à régler! Tout ce mouvement ne change pas la vérité de la vie contemplative mais il faut trouver un rythme correspondant aux exigences de travail réclamées par la maison d'accueil. L’exposition du Saint- Sacrement prend place du matin après la messe jusqu’à la bénédiction du Saint-Sacrement, le soir après vêpres. La clôture se détermine petit à petit…
Le renouveau post-conciliaire entraîne la nécessité d'une formation, particulièrement au niveau biblique et liturgique. La préparation du chapitre 1969 demande de revenir aux sources, au charisme de chaque institut. Pour les contemplatives, c'est essayer de préciser leur propre identité.
Temps de recherche, d'adaptation au sens juste du terme, d'évolution dans l'Église, avec l'Église pour être présence significative dans le monde.
Le chapitre 1969 va donner des "Recommandations et Vœux" qui vont ouvrir une "page nouvelle" dans 1'histoire des contemplatives. Il est bon de rappeler aujourd'hui les trois principales qui ont pu être mises en pratique:
" Que des monastères Sainte-Famille soient fondés dans les pays qui le désirent." " Que les provinciales qui, dans leur Province, ont des sœurs désirant sérieusement la vie contemplative, en avertissent la supérieure générale. Que ces sœurs puissent se réunir… " " Que le Conseil général étudie un texte résumant les grandes orientations de la spiritualité du Fondateur qui puissent servir de base à l’élaboration par les moniales de leur " Livre de Vie ".
Il est facile de comprendre le « mouvement » créé par de telles recommandations.
Un texte de base est donné en 1970 qui va pouvoir aider au discernement des vocations. Bien des sœurs apostoliques qui avaient désiré, dés leur entrée, la vie du cloître, la désiraient encore; d’autres sentaient un « appel nouveau ». Il va donc se former des communautés que l’on peut appeler de discernement en Belgique, au Canada, en Espagne.
Un premier rassemblement de ces sœurs va avoir lieu ici même, à la Solitude, en 1973. Se joignent aussi quelques sœurs venant des provinces de Colombo et de Jaffna. De cette rencontre sortira un "Livre de Vie". Il était en effet fondamental de canaliser la vie, de créer une base de réflexion commune pour ces "jeunes" communautés, de donner quelques points de référence communs pour la vie quotidienne. Il est important avant de "fonder" de discerner les vocations et cela ne peut se faire que dans l'expérience concrète de la vie et dans le temps. Il est sûr que cela entraîne un manque de stabilité dans les communautés ...
En 1974 c'est la première fondation hors de France à La Carolina en Espagne: une présence de prière dans une région déchristianisée. Viendront Hoboken en Belgique, Roma au Lesotho, Madrid et Villava en Espagne, Bolwalana, Manipay au Sri-Lanka, Aylmer au Canada, Labéraudie en France.
Les situations sont différentes mais c'est toujours la vie contemplative Sainte-Famille: recherche de Dieu dans le silence et la solitude; vie dans l'Église et pour l'Église selon la mission propre de chaque communauté en ville, à la campagne, dans des lieux déchristianisés; en terre chrétienne ou en majorité non-chrétienne; membre à part entière dans l'Association gardant sa mission d'adoration et d'intercession pour l'ensemble La trame de la journée reste la même pour toutes: oraison, adoration eucharistique, lecture de la Parole de Dieu, Eucharistie, travail ... Rien n'est "nouveau" mais est à vivre dans une réalité différente.
On a toujours travaillé au cloître ... mais il est difficile de trouver un travail rémunéré à temps partiel qui respecte temps donné à la prière et à la vie communautaire. La clôture est dans le cœur certes ... mais il faut lui donner sa vraie place et toute sa signification dans une vie qui demande plus de "sorties" et qui entraîne plus de contacts extérieurs. L'accueil se cherche dans ses modalités concrètes ...
Il faut donner du temps au temps ... Il faut que les diverses orientations soient vécues, révisées. L'approfondissement passe aussi à travers diverses rencontres "internationales" pour un dialogue, une interrogation ensemble etc.… En 1976, s'élabore un "Livre de Vie" qui définit plus clairement l'identité de la vie contemplative Sainte-Famille, qui assure l'unité de vie entre les diverses communautés et donne des orientations pour la formation. Les relations entre les divers groupes de l'Association.
Jusqu'en 1979, les communautés ont été suivies et aidées par des conseillères apostoliques qui en avaient mission. A cette date, une nouvelle structure voit le jour: aux trois conseillères apostoliques se joignent trois conseillères contemplatives, Ce "Conseil" va préparer le chapitre du groupe contemplatif en octobre-novembre 1980.
Jusqu'à la fin de l'année 1984 une sœur apostolique avec 4 conseillères contemplatives, une de chaque continent, assure la responsabilité du groupe. Une étape où la vie contemplative s'approfondit, s'unifie…
Au chapitre général de 1981 il avait semblé possible que l'Œuvre du Bon Père soit acceptée dans son originalité et que l'Association Sainte-Famille soit reconnue comme telle: au sein de cette Reconnaissance chaque groupe aurait trouvé une reconnaissance canonique. La Sacrée Congrégation des Religieux, chargée d'authentifier les Constitutions, n'est pas à même de donner cette approbation "globale". Il faut donc trouver un statut canonique propre et pour les contemplatives et pour les séculières.
Impossible de relater le travail nécessaire: consultations près d'experts, près des membres des deux groupes intéressés; démarches près d'autres instituts pour s'informer de leur expérience, près de la Sacrée Congrégation des Religieux; rencontre des trois Conseils de vie consacrée .... Assez rapidement les séculières décident de former un Institut séculier, ce qui implique une autonomie juridique qui n'enlève pas les liens avec le groupe des religieuses et la dynamique commune de la même spiritualité. Il faudra plus de temps pour le groupe contemplatif pour élaborer une structure propre à la vie et à l'unité.
Au chapitre 1987 pourra être présenté l'Institut à deux vocations tel qu'il est aujourd'hui.
« L’institut religieux de la Sainte-Famille est de Droit Pontifical, approuvé en 19O2. Il est organisé aujourd’hui en Provinces et délégations pour les apostoliques, en un Vicariat pour les contemplatives. Présentes dans une diversité de pays et de cultures, toutes les religieuses vivent en communauté, l’esprit et le but de la Famille entière. Unies par une même consécration, elles portent ensemble le souci de faire connaître le Christ au monde et de travailler à l’extension du Royaume. Elles sont responsables de l’unité et de la vitalité de l’Institut. Les Sœurs apostoliques, dans leurs divers engagements, continuent la mission de Celui qui passait en faisant le bien ; les Sœurs contemplatives prolongent, dans le silence et la solitude, l’attitude priant de Jésus tourné vers le Père. Elles se soutiennent mutuellement dans leur don à Dieu et aux autres. Elles témoignent, au cœur du monde, de la primauté de Dieu »
III - FAIRE MEMOIRE, C'EST PARLER D'UN AUJOURD'HUI, DE L'HERITAGE REÇU, DE LA MANIERE DONT IL VIT MAINTENANT.
Je ne vais pas m'étendre sur les diverses situations et décisions qui, depuis cette date, ont façonné le visage du Vicariat aujourd'hui Je ne suis guère à même de le faire. Vous pourrez avoir toutes les informations désirées auprès des sœurs. Je note seulement les lieux de vie : une communauté en Amérique Latine (Posadas) ; une communauté au Sri Lanka (Nagoda) ; une communauté en Espagne (Otieza) ; une communauté en France (La Solitude).
Je veux m'arrêter rapidement sur 1'héritage reçu des longues années de vie que nous avons rappelées. Je veux faire mémoire, même si pour la plupart leurs noms nous sont inconnus, de toutes celles qui ont donné leur temps, leur souci, leur fidélité, je pense aux différentes supérieures, pour que grandisse et se développe la "dernière-née" de l'Association; de toutes celles qui ont vécu cette vie contemplative Sainte-Famille et qui, par leur vie humble et cachée, ont façonné le visage d'aujourd'hui. Elles nous sont aujourd'hui particulièrement présentes.
Comme moi, je pense que vous avez senti que ce qui habitait la vie de ces femmes consacrées, c'était la confiance totale en l'appel du Seigneur, la foi en cette vie contemplative Sainte Famille. Vocations rares, personnel insuffisant, locaux inadaptés, cohabitation "forcée", changements de lieux, de situation canonique… Peu importe; la "flamme" brûle; la vie continue… Au secret de leur cœur, chacune et ensemble, elles sont sûres d'accomplir la volonté de Dieu.
Cette "obéissance" au quotidien, aux évènements, cette ouverture aux signes de l'Esprit habitent toutes ces années. Certes, même si nous n'en savons rien, nous pouvons intuitionner que le mystère pascal, Mort et Résurrection avec Jésus, a été vécu par chacune et par la communauté toute entière. C'est ainsi qu'elles ont pu nous léguer la vérité de leur vie. Car "au cœur " de leur vie, il y a la prière continuelle, l'adoration (vous avez sûrement remarqué que c'est durant peu de temps qu'au terme d'adoratrices qui leur est donné, se joint le terme de "réparatrices"), l'action de grâces pour la bénédiction miraculeuse, l'intercession pour la Famille et pour le monde, le désir de partager leur vie propre dans la "sauvegarde" d'une clôture indispensable pour une vie de silence et de solitude, à l'image de Nazareth. Héritage pleinement reçu me semble-t-il, même s'il s'exprime dans des expressions différentes. Pour preuve, si je peux parler ainsi, de vous rappeler quelques articles des aux contemplatives. " ... nous sommes appelées à imiter la vie de Jésus, Marie, Joseph dans la maison de Nazareth: vie cachée en Dieu dans le silence et la solitude, vie d'amour dans l'obéissance et la gratuité." (art.161) "Dans l'Eglise, nous prolongeons l'attitude priante de Jésus tourné vers le Père par l'adoration et la louange, l'action de grâces et l'intercession ... " (art.162) "Nos communautés sont présentes dans les Eglises locales qui les accueillent selon leur vocation propre ... " (art.163) "Au sein de la Famille de Pierre-Bienvenu Noailles, nous gardons vi vante la mémoire de la Bénédiction de 1822, faisant monter vers le Seigneur action de grâces et supplication." (art.164) "Les communautés accueillent avec simplicité et discrétion ceux qui cherchent le Seigneur dans le silence et la solitude. Cet accueil est appel et grâce pour la communauté elle-même." (art.199)
Je pourrais citer bien d'autres articles qui nous disent le "cœur" de la vie, le souffle qui l'anime, les "moyens" qui la soutiennent. Je me contenterai de vous lire encore un article commun à toutes les sœurs de l'Institut et qui donne le sens de notre profession religieuse:
"Unies au Sacrifice du Christ, nous vivons cette offrande de tout notre être (il s'agit de l'engagement par les vœux) en nous laissant transformer et renouveler par l'amour de Dieu et celui de nos frères. Nous apprenons, avec Jésus, Marie et Joseph à ne plus vivre pour nous-mêmes, mais pour Dieu Seul, au service du Royaume. Nous nous appuyons sur la fidélité de Dieu, sûres de son amour, de sa lumière et de sa force." (art.9)
Les Chapitres du Vicariat qui vont se succéder mettront en évidence l'un ou l'autre aspect. La vie reste toujours dans la même orientation. Le Chapitre de 1998 définit une priorité "Faire de nos Communautés un autre Nazareth". Le commentaire qui suit éclaire cette affirmation:
« … Nazareth est la vie quotidienne. Le Nazareth que nous vivons est celui de "l'absence" de Jésus. C'est vivre dans la foi l'attente du retour de Jésus, Seigneur… Nazareth est un lieu de communion avec l'humanité qui vit les diverses circonstances de la vie: absences, peurs, souffrances, séparation, joies, espérances etc. … Nous pouvons seulement comprendre Nazareth à la lumière de la Résurrection, le vivre à la lumière pascale, dans une perspective ecclésiale sinon nous risquons de réduire sa perspective et de nous y enfermer …"
Le Chapitre de 2004 reprend la même priorité demandant aux communautés "d'être une Communauté de disciples en Mission, passionnées pour Dieu Seul et son Royaume", apprenant de Jésus " à demeurer dans la profondeur de son Mystère de communion et à livrer sa vie jusqu'à la fin dans l'ordinaire du quotidien". Et le commentaire de cette dernière affirmation :
" … A l'école de l'Eucharistie, Jésus nous invite à faire nôtre ses propres sentiments d'amour et d'humble service; Il nous apprend comment nous livrer pour le salut du monde, faisant ainsi de nos vies une eucharistie." Je crois vraiment que les premières sœurs Solitaires s’y retrouveraient…
IV - FAIRE MEMOIRE, C'EST S'OUVRIR A UN A-VENIR QUI PREND SA SOURCE DANS LE PRESENT, ILLUMINE PAR LE PASSE, OUVERT A L'ESPRIT QUI CONDUIT SUR ET PAR SES CHEMINS.
Tout à-venir s'enracine dans un "ici et maintenant", le seul lieu d'existence pour toute personne, le seul lieu où se construit jour après jour ce qui sera ... Les premières Solitaires se figuraient-elles l'aujourd'hui? S’en préoccupaient-elles? Et, lors de la célébration du centenaire, imaginait-on l'existence d'un Vicariat? Cet aujourd'hui est riche des 150 ans de vie qui l'ont précédé… En faire mémoire aujourd'hui a permis de "sentir" cette richesse faite des vies données et offertes dans l'humble quotidien. Pour regarder cet à-venir et parce que, pas plus que personne, je ne sais ce qu'il sera, j'aime rappeler l’hymne qui ouvre l'office des Laudes de la première semaine du temps ordinaire Un jour nouveau commence, un jour reçu de toi, Père. Nous l'avons remis d'avance dans tes mains, tel qu'il sera Et les couplets qui suivent disent comment ce jour reçu et offert va engendrer un à-venir: émerveillement devant Dieu; accueil de cet amour; goût de vivre en Lui; ouverture du cœur au Corps entier; espérance dans le Christ vainqueur du mal et de la mort. Il me semble que sont dites là les attitudes profondes pour éclairer la nouveauté quotidienne. Il me semble aussi que c'est l'accueil de cette nouveauté quotidienne qui ouvre un groupe entier à l'avenir. N'est-ce pas une autre manière de retrouver ce que Margaret disait à l'ouverture du chapitre des contemplatives en janvier dernier:
« ... Votre histoire continue et le changement vers la nouveauté est inévitable parce qu'ainsi va la vie .... L'histoire de l'Univers et 1 'histoire de Jésus, Dieu dans cette histoire, nous enseignent que toute vie passe par un processus d'évolution, d'adaptation, de changement, de croissance, de mort ou de lâcher prise pour que la nouveauté puisse jaillir… "
Le rappel, même rapide de ces 150 ans s'est montré riche de toute cette évolution. Remettre entre les mains de Dieu l’à-venir n’induit pas la passivité. C’est une espérance qui engage ce devenir à la lumière de ce qui est possible aujourd'hui. C'est pour cela qu'il m'a semblé bon de partager avec tous ceux et celles qui sont là, les "chemins" de vie du groupe qui leur a paru chemins de vie pour l'à-venir. Je soulignerai dans leur Recommandation issue du Chapitre, la profession de foi : "Nous croyons que notre vie contemplative Sainte Famille a quelque chose de spécifique à apporter au service de la mission de Jésus dans le monde d'aujourd'hui." et le regard réaliste : " ... Notre réalité est tissée de pauvreté, fragilité, faiblesse sur un fond de vitalité, et en même temps nous avons le grand désir de choisir la vie en vue du bien commun du Vicariat ... " Sur cette base fondamentale, pourrais-je dire le chemin est ouvert, bien ancré dans le présent, bien tourné vers l'avenir. Il va conduire Le Vicariat jusqu'à la célébration de ses 150 ans de vie ; en attendant le 200ème anniversaire de la fondation! Peut-être quelques personnes de ceux et celles qui sont là, rappelleront le souhait de ce 20 juin 2009!
Sr Cécile Mallet
Martillac le 21 Juin 2009!
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