"Je prie pour que l'image et la ressemblance de Dieu en chaque personne nous permettent de nous reconnaître les uns les autres comme des dons sacrés dotés d'une immense dignité." (Message de la Journée Mondiale de la Paix, Pape François 2017)
Début août, le cardinal de notre diocèse a invité tous les catholiques de Bordeaux à venir en aide aux migrants dans notre ville. On nous a informés que trois cents d’entre eux se sont retrouvés dans la rue après le démantèlement de plusieurs squats et qu'ils avaient désespérément besoin d'aide. La Pastorale des Migrants du diocèse de Bordeaux s’est joint aux efforts d’un groupe libertaire déjà en action qui avait trouvé une résidence temporaire pour les Immigrés dans un lieu du quartier St Michel jusqu'à fin août.
En tant que communauté, nous avons réfléchi et décidé d’encourager les gens à s'impliquer avec nous pour aider nos frères et sœurs affectés. Nous avons eu le cœur brisé et nous nous sommes immédiatement mis à l'œuvre pour les aider et les soutenir. Un dimanche, nous avons informé les paroissiens de la situation des migrants à Bordeaux et nous avons lancé une collecte pour répondre à leurs besoins essentiels notamment en nourriture. Les gens ont été très généreux et compatissants, et beaucoup ont répondu immédiatement à notre demande apportant beaucoup de nourriture, comme du pain, du lait, du sucre, du café en poudre, du beurre, du fromage, des œufs, de la confiture, des légumes, des fruits, des biscuits, des aliments en conserve, du riz, des vêtements et des articles de toutes sortes très utiles. Les objets collectés dans notre maison ont été chargés dans deux gros véhicules. Le lendemain, nos paroissiens se sont portés volontaires et ont transporté ces provisions au Centre du 7 rue de Muguet, à Bordeaux, où les immigrants sont accueillis et reçoivent le petit déjeuner et le dîner. Nous avons livré les provisions deux semaines en suivant. Encore une fois, nous avons fait une annonce et notre troisième collecte sera livrée aujourd'hui.
La Pastorale des migrants de notre diocèse avait envoyé des courriels à de nombreuses personnes et groupes pour que des volontaires aident à servir le petit déjeuner et les soutiennent dans leur engagement. En tant que communauté, nous avons accepté cette invitation à travailler au Centre pour servir nos frères et sœurs. A tour de rôle, Anne, Christaline et moi sommes allés avec une autre dame bénévole, accueillir les migrants et rendre service au Centre de la rue Muguet. Le matin, nous voyagions en voiture, en tram et en bus pour rejoindre le Centre. Nous arrangions les tables et les chaises, nettoyions et dressions les tables pour le petit déjeuner, et nous les servions. Nous avons été émues par la présence de toutes ces personnes et nos cœurs se sont remplis de compassion. Nous les avons servies avec amour, zèle et générosité. Là les migrants sont traités avec soin, empathie et dignité humaine. Le centre est bien organisé et il y a des bénévoles qui assument différentes responsabilités dans le fonctionnement. Il y a des volontaires qui cuisinent le dîner tous les jours, sauf deux jours où le Centre n’est pas ouvert. Le soir, le dîner est servi de 18h30 à 20h30.
Les migrants sont de jeunes femmes, de jeunes hommes et des familles avec nourrissons et enfants. Pour leurs repas, ils doivent venir au Centre depuis leur résidence temporaire. Ils arrivent donc en groupes au Centre à des heures différentes jusqu'à midi. Parfois, des migrants aident les bénévoles. Nous travaillions avec plusieurs bénévoles. Nous commencions notre service à 9h30 et habituellement nous faisions cinq services jusqu'à midi et rentrions à la maison l'après-midi. Ces hommes et femmes sont heureux d'accepter et apprécient le service qui leur est rendu. Mais c'est très douloureux quand on leur parle. Ils ont quitté leur pays, leur famille et leurs amis, perdu leur maison et leur emploi. Nous pouvons voir leurs soucis, leur anxiété et leur tristesse tracés sur leurs visages. Ils vivent dans l'inquiétude en raison de l'incertitude de leur avenir et de leur sécurité, de leur santé, de la difficulté à trouver un logement et un travail pour soutenir leur famille, de la nécessité d'éduquer leurs enfants, etc. De plus, pour le moment, ils n'ont pas de documents officiels pour leur séjour ici.
Je me souviens ici de la déclaration de Gustavo Gutierrez, théologien latino-américain, homme du peuple : "L'amour authentique essaie de commencer par les besoins concrets, et non par le "devoir" de pratiquer l'amour. L'amour est respectueux des autres et se sent donc obligé de fonder son action sur une analyse de leur situation et de leurs besoins" (Nous buvons dans notre propres puits : Le voyage spirituel d'un peuple, Gustavo Gutierrez)
A la fin de ce mois, le Centre d'accueil des Immigrés sera fermé et l'Association pour les Immigrés du Diocèse est à la recherche d'un lieu pour continuer à les aider et à les soutenir. Nous rendons grâce au Seigneur pour tous ceux qui se sont donnés et ont contribué de différentes manières à aider les Migrants durant cet été. C'est une bonne expérience de faire un peu d'aide aux personnes fragiles, brisées et en quête d'un nouveau départ dans un autre pays. Nous continuerons à prier et à espérer que quelque chose de bien continuera d'arriver de la part de ceux qui ont un cœur aimant et généreux pour l'action humanitaire. L'amour universel nourrit une société juste et pacifique, un monde durable et réconcilié et donne fécondité à la vie.
Jeevam Philip
Communauté de Martillac