L’arbre du bon Père : - Canada

RETRAITE DU MOIS DE MARS  2017

 

L’arbre du bon Père :

Le va-et-vient de ses racines, le mouvement missionnaire de notre histoire  canadienne.

  ‘’ Chacune de nous est un chemin unique, celui que prend l’Amour pour éclairer le monde. À chacune de devenir le nom, le secret qu’elle  est, de révéler cette forme que prend la Vie en elle. ‘’ J.Y. leloup

Boucar Diouf, un  biologiste africain, un humoriste,  un amoureux de la nature et particulièrement des arbres, a donné dernièrement une entrevue qui s’est terminée avec une fable : ‘’ l’homme qui parlait aux arbres ‘’. Des baobabs de  son enfance aux bouleaux de sa terre d’adoption, il se met à leur écoute et se demande ce que nous avons à apprendre de ces géants, de ces sages. Boucar sait d’expérience  que la sève circule des racines aux bourgeons de son ami  baobab, ces millions de racines qui s’entraident sans que personne ne les voie, elles sont là les bienheureuses et par elles, éclate la Vie. Il aime faire le parallèle avec les humains.  Il nous invite à écouter les arbres, il nous invite à être sensibles à leur message.

 

Je me suis imaginée en terrain ‘’ Martillac ‘’ où le Bon Père, avec nos premières Mères, a su penser et aménager ce magnifique   paysage que nous admirons encore aujourd’hui. Facilement, j’ai vu Pierre Bienvenu, (un peu comme Abraham assis è l’entrée de sa tente au plus chaud du jour),  contemplant la beauté des lieux, assis sous le chêne d’où  a jailli son rêve de famille, ce rêve qu’il a porté et se réalise encore aujourd’hui à travers le temps et les espaces du monde. Il ne savait pas où cela le conduirait mais chaque jour le trouvait à l’écoute, aux aguets de nouveaux besoins qui surgissaient dans la société du temps, blessée et sans guide de l’après révolution.

Ce chêne, qu’il nous a décrit  comme le symbole de ce que  Dieu voulait réaliser avec lui et qui lui en dévoilait l’heureux mystère chaque fois que se joignaient de nouvelles  personnes qui portaient cette même passion : étendre et fortifier la foi,  aider toute personne à retrouver ‘’ le sens ‘’, à s’épauler pour refaire le tissu humain de la société, à réunir la famille autour de son Dieu.

Cette abondante Sève circule dans l’Arbre qu’est notre famille spirituelle : elle alimente nos racines qui ne cessent de se répandre en prière silencieuse et comme pour le baobab de Boucar, éclatent sous sa pulsion  jusqu’aux bourgeons à travers pays  et continents.

Notre Centre, notre Sève d’où sont parties  toutes nouvelles missions, tous nouveaux appels pour notre monde d’aujourd’hui, c’est l’Amour unique, premier : Dieu seul. Et cet Amour a de particulier d’être un trésor qui augmente à mesure qu’il est donné.

 

Aujourd’hui, en ouvrant notre boîte à souvenirs, nous allons nous rappeler nos sœurs qui ont senti l’appel à quitter leur pays pour répondre à un besoin tout aussi pressant que celui de nos milieux : dévoiler cette Bonne Nouvelle qu’un Dieu d’amour a pour toute personne un projet d’Alliance,  un projet de salut.

Le rêve de Pierre Bienvenu  n’avait pas de frontières, ses collaboratrices du temps et de l’après n’en ont pas eu non plus. Une même écoute, une même fidélité ont guidé les chemins à prendre. Pour notre fondateur, une vie bien ‘’ centrée ‘’ en Dieu devenait comme un feu qui propulsait vers l’avant, qui mettait en marche. Son charisme  puisé dans le Cœur de Dieu l’habilitait d’une capacité de ‘’ rassembleur ‘’ pour une même cause, la cause de Jésus. Son talent, Pierre Bienvenu l’a mis au service de l’Évangile. Il vivait les yeux et le cœur ouverts et il  communiquait,  il  invitait à l’engagement, à la mise en marche pour une vie sociale et spirituelle animée d’un nouveau Souffle de vie.

Pierre Bienvenu est un sage, il invite à marcher mais avec une boussole, comme un pèlerin avisé : est-ce que ton chemin a un cœur ? Un lieu d’intégration de tous les éléments de ton être ? La Lumière est ton orient : marches vers ton Dieu qui habite ta profondeur, marches avec Lui vers  tes frères et sœurs.

 

La marche nous apprend que le Dieu que l’on avait n’est plus le même aujourd’hui. Ce n’est pas lui qui change, c’est notre conscience qui évolue, notre chemin qui avance, nos instruments de perception qui s’affinent. Notre Fondateur avait cette perspicacité, rappelons-nous ces lignes qu’il nous a laissées quand il  concevait le projet d’une société nouvelle : ‘’ IL est bien rare que les idées et les besoins du siècle qui finit répondent à toutes les idées et à tous les besoins de celui qui commence ‘’ PBN

 

Si Pierre Bienvenu nous rejoignait sur la route aujourd’hui, je ne crois pas qu’il serait téméraire de penser qu’il nous tiendrait le même langage. Il chercherait avec nous le la moindre fêlure par où peut s’infiltrer une brindille capable de remuer nos cendres.

 

Marcher, lâcher prise : nos sécurités, le connu…je pense de nouveau à Abraham; il a dû lâcher ce à quoi il tenait le plus; son fils, la lumière de ses yeux, l’enfant de la promesse. En montant sur la montagne, Abraham pensait à ‘’ son fils ‘’, en redescendant de la montagne, à travers le lâcher-prise qui lui avait été demandé, il ne  pensait pas à ‘’ son fils ‘’ mais au ‘’ fils que Dieu lui avait donné ‘’. Le Fondateur ne fait pas l’économie de ces moments de lâcher- prise, pensons seulement à la séparation de la maison de Paris avec l’abbé de Malet et la Mère Pertuzet. Et l’œuvre des Pauvres Prêtres avec l’abandon de l’abbé Charriez et de l’abbé Peire. Notre Bon Père s’est laissé atteindre  par la grâce du dénuement et lui fut donné comme à Abraham la fécondité de son Œuvre. Un jour ou l’autre, à chacune de nous aussi est demandé ce à quoi nous tenons le plus, ce à quoi nous sommes le plus attaché. À travers nos lâcher-prise, nous nous rendons compte à la fin que rien ne nous est dû, que tout nous est donné. Tant que nous pouvons marcher : marchons ! La seule chose qu’on ne pourra nous enlever c’est ce que nous aurons donné.              

 

Nous avons toutes notre chemin : ce qui est demandé à l’une n’est pas demandé à l’autre. On ne demande pas à un pommier de produire des figues. Ce qui nous est demandé c’est de produire nos propres fruits, les fruits de notre propre sève, le chant de notre propre cœur; à chacune de devenir le nom, le secret qu’il est.

 

Laissons-nous étonner maintenant par ce tout petit mot évangélique si souvent répété par Jésus : VA !  en marche !  Au paralytique, à la femme adultère, à l’aveugle de naissance, à Lazare, à Madeleine de Magdala, Jésus invite à larguer les amarres, à demeurer dans la vie qui va…Il y a en nous comme un mouvement, un désir que Dieu ne comble pas mais creuse…qu’Il maintient dans ‘’ l’ouvert ‘’ du cœur et de la conscience. Lève-toi et marche ! J’aime particulièrement  la traduction de Chouraqui qui au ‘’ bienheureux ‘‘ que nous avons l’habitude d’entendre sur la montagne des Béatitudes, traduit ‘’ en marche ‘’. En marche vous les pauvres, en marche les doux, en marche vous qui pleurez, qui êtes persécutés, vous les miséricordieux car il est possible encore de marcher droit sur vos routes tortueuses nous redit Jésus : voilà un texte qui retrouve son dynamisme et fait appel au meilleur de chacune de nous : la vie appartient à ceux et celles qui osent la vivre jusqu’au bout.

 

J’aimerais terminer cette réflexion que vous transformerez en prière j’en suis sûre ; il s’agit d’une petite histoire que j’ai trouvé lors de mes lectures :

‘’ De par un beau matin, deux amis se lèvent très tôt avec le projet d’escalader une haute montagne. En marchant, ils réfléchissent : tout  en bas,  le périphérique ou la possibilité de marcher; c’est le même paysage, mais le regard est différent. Ils décident donc de marcher; c’est long, c’est difficile et fatiguant mais quelque chose change dans le regard, dans le souffle. Le souffle s’approfondit, se creuse  avec la montée, ils s’habituent à l’air des hauteurs.

 

 Arrivé au sommet, chacun vit une ‘’ expérience fondamentale ‘’. L’un regarde en bas et vu de là-haut, il découvre que c’est tout petit en bas, ce qui pour lui avait tellement d’importance est comme un peu de buée, de poussière écrasée par la lumière….c’est un enseignement pour lui : ce qui pour moi a tellement d’importance, si je pouvais prendre de la hauteur, je verrais que tout cela n’est en fait pas grand-chose. Il se dit qu’accorder tellement d’importance aux choses, c’est parfois manquer de hauteur ou de recul. Vu de là-haut, ce que je prenais pour un absolu se découvre bien relatif. Le premier marcheur parvient à relativiser le relatif et à absolutiser l’absolu : il peut prendre le chemin du retour, il a acquis le discernement.

 

Son ami à ses côtés vit une autre expérience. Arrivé au sommet de la montagne, il regarde vers le haut et voit qu’il ne sait pas voler. En haut, il découvre qu’il est toujours en bas, le ciel est en haut d’une autre nature. Pour lui aussi c’est un enseignement : si je vais au bout de mes recherches scientifiques et intellectuelles, au bout de ce que peut découvrir ma raison, je reste toujours dans le domaine de mes limites alors que le ciel ou la transcendance est d’une autre nature. Il y a de l’Autre, il y a un au-delà à ce que conscience et connaissance peuvent saisir.

 

Les deux marcheurs arrivés au sommet ont fait deux expériences différentes. Ils redescendent dans la plaine et gardent précieusement dans les yeux l’empreinte de ce qu’ils ont contemplé.

(Ici, je fais une entorse à l’histoire,  pour m’attarder seulement à la manière dont le premier marcheur partage son expérience avec les villageois)

 

Revenu chez lui, ce premier marcheur continue de regarder les gens ‘’ d’en bas ‘’. En les regardant d’en bas, il leur fait lever la tête, il les redresse. Il  découvre que la lumière qui est au sommet de la montagne, c’est la lumière même qui est dans le fond de la vallée. Si nous avions les yeux ouverts à ce qui est là, à cet invisible qui nous enveloppe, à cet espace qui nous contient…Gustave Thibon a écrit justement : ‘’Ce  n’est pas la lumière qui manque à nos regards, ce sont nos regards qui manquent de lumière. ‘’ 

 

En écoutant cette histoire, nous pouvons nous demander quel regard nous rapportons du bout de chemin qu’il nous a été donné de parcourir.   De nos chemins escarpés, nous  pouvons rapporter deux sagesses, deux regards différents. Mais je crois qu’en ce moment  nous avons davantage besoin de ce regard qui nous rappelle que même si l’on boite, même si l’on ne peut plus escalader les sommets, si l’on  n’a plus la force ni la santé ou l’âge pour marcher si haut…néanmoins la clarté que nous cherchons au sommet est là avec nous au fond de la vallée; il suffit d’ouvrir les yeux.

Un vieux sage Hindou nous dit que : ‘’ parfois on va beaucoup plus loin en allant au bout de son jardin qu’en faisant trois fois le tour du monde. ‘’  Tout dépend de l’ouverture du regard.

 (Une histoire tirée du livre ‘’ L’assise et la marche ‘’ J.Y. Leloup commentée, adaptée pour la circonstance….)

Maintenant , nous ouvrons notre boîte à souvenirs pour revivre des moments mémorables de notre histoire. Il n’y a pas de priorités dans le choix des régions d’engagement ou des thèmes abordés : nous y allons selon la disponibilité des Sœurs du Conseil qui nous aideront tout au cours de l’année à visiter nos lieux d’insertion. Après avoir vu trop vite sans doute, nos  50-60 premières années au Canada avec un engagement plutôt homogène auprès des malades à domicile ou à l’hôpital et quelqu’autres engagements auprès des pauvres; nous allons prendre conscience que le va-et-vient de nos racines s’est vite concrétisé dans les deux sens de ce grand mouvement missionnaire.

Nous rappelons d’abord que les trois contingents de nos sœurs fondatrices 1901-1902- et 1904 venaient de la France- de l’Espagne- de l’Angleterre- Irlande et de l’Allemagne. 22 Sœurs et quelques autres sont venues dans les années qui suivirent pour que des racines neuves s’étendent sur le sol canadien. La plupart y ont vécu jusqu’à leur décès et nous en avons même connu plusieurs.

Dans les années  1958-1960  sont arrivées chez nous, nos 3 Sœurs belges qui se sont engagées à fond de train dans nos communautés Indiennes de la Basse Côte-Nord. Nous y reviendrons plus longuement avec Francine.

Et depuis 2014,  2 polonaises, 2 congolaises, 2 sri lankaises, 1 indienne se sont jointes à nous pour renforcer notre présence  d’évangélisation auprès des jeunes auprès des jeunes dans des milieux multiculturels.

Ce mouvement missionnaire menait vers nous. Ce même mouvement s’est vécu dans l’autre sens : de chez nous vers l’extérieur et cela se passait comme naturellement comme faisant partie de notre histoire génétique Sainte Famille.

 

Dès 1929 : Juliette Gonthier et Thérèse Déry sont parties pour le Basuloland et l’Afrique du Sud : plusieurs sont parties par la suite et j’ai le goût de les nommer pour qu’on puisse les remercier dans notre prière et qu’on les prie de nous accompagner dans notre mission :

Anne-Marie Alie.- Antoinette Audet.- Béatrice Bérubé.- Imelda Turcotte- Suzanne Patterson.- Maria Roy.- Blandine Côté.- Marie-Louise Bergeron –Lucille Thomas.-Cécile Lebel.-Cécile Gonthier.-Mella Lévesque.-Simone Vachon.-Agathe l’Heureux.-Denise Gosselin -Thérèse Déhaies.- Réjane Plante.-Alida Bouchard.- Germaine Dignard.-Thérèse Bérubé- Françoise Daigneault.

Elles ont passé 10-20-30 années ou plus, au service d’une mission d’évangélisation qui se traduisait par une présence en éducation ou assistance aux malades et plus démunis des villes et des villages.

En 1958 , le Cameroun accueillait à son tour des missionnaires canadiennes, et dans les années qui suivirent jusqu’en l’an 2000 plusieurs sœurs ont offert des années de leur vie pour la promotion humaine et spirituelle des populations du Cameroun Tchad :

 

Aline Lavoie.- Marie Josephe Lavoie.- Yolande Allard.- Monique Chalifour.- Gisèle Patry.- Gisèle Potvin.- Pierrette Demontigny.- Odette Filion.- Raymonde Marcoux.- Murielle Doucet.- Pauline Marcheterre.- Ruth Roy.- Violette Bouffard.-Fernande Aylwin.- Alida Bouchard.

Zaire Congo en 1966 et les années suivantes  :  Aline Lavoie.- Denise Gosselin.- Violette Bouffard- Jacqueline Drolet.

Togo en 1979 : Cécile Gonthier.

Les missions d’Amérique latine ont aussi bénéficié de la présence de sœurs canadiennes :

Au Paraguay en 1966 : Yvette Dompierre

Au Brésil en 1976 : Constance Vaudrin.-  Louisa Michel

Au Mexique : en 1983 et 1986 : Louisa Michel

Au Pérou en 1996 : Violette Bouffard

En Argentine en 2004 :   Françoise Daigneault   

 

À partir des années 1915 jusqu’en 2008, de nombreuses Sœurs ont assumé une mission autant dans le domaine de l’éducation que pour un service dans les hôpitaux ou en administration. Et cela en France, en Belgique, en Angleterre, en Espagne et en Italie.

La maison Générale a compté plusieurs membres dans différents Conseils : Claire Julien- Simone Vachon.- Cécile Gonthier.- Madeleine Blais.- Gemma Larochelle- Pierrette Demontigny .- Françoise Aubin.

Des services d’animatrices  de la communauté générale et secrétaires : Monique Barsalou.- Hélène Bédard.- Suzanne Gignac.- Madeleine Blais.- Louise Déziel.- Thérèse Cyr- Marie Bérubé.                                                                    

La Bénédiction du Seigneur sur nous à jamais !

 

Merci à la Vie !   

Merci à vous Bon Père !

Merci à vous mes Sœurs !