Réflexion de l'Avent - Richard Rohr.
L'Avent - du latin : venue, approche, ou arrivée – s’ouvre devant nous. Cette saison est plus que l’attente sentimentale, renouvelée, d’un nouveau bébé Jésus. Le besoin d’un christianisme adulte et du message réel de Jésus sont si urgents que nous ne pouvons laisser la grande fête de Noël et sa préparation pendant l'Avent être édulcorées de quelque manière que ce soit. La souffrance, l'injustice et la dévastation sur cette planète sont trop grandes pour se contenter d'un Evangile ou d’un Jésus infantiles. Jésus a enseigné que le «règne de Dieu» ou son «royaume» nous demande personnellement beaucoup : abandon, simplicité et solidarité avec ceux qui souffrent.
L'Avent est le moment de mettre l’accent sur notre anticipation du Christ éternel et cosmique, par-delà et avant l'enfant de la crèche. Jésus est l'expression microcosmique du macrocosme, l'union de l'humain et du divin, du psychique et du physique, en une seule vie et une seule personne. Le Christ inclut et va plus loin que Jésus, au-delà de l'espace et du temps. Jésus est une incarnation concrète et personnelle de l'amour universel. Le Christ est le projet et l'icône de la présence et du plan d'amour de Dieu - toujours et partout. C'est à ce Christ adulte et cosmique que nous disons: «Viens, Seigneur Jésus» (Apocalypse 22, 20).
Le poème de la création, dans le premier chapitre de la Genèse, dépeint une effusion joyeuse et créative de l'amour. Le Big Bang (ou Grand Boum) est vraiment le premier moment de l'Incarnation dans notre univers, avant même que Jésus ne prenne chair humaine. Dieu prend forme dans la couleur, le mouvement, la forme et la texture - incarné et présent dans chaque élément vivant. À partir du moment de la création de notre univers, au long des lentes étapes de l'évolution, et à travers la vie, la mort et la résurrection de Jésus, nous voyons que la vie s’oriente vers quelque chose de bon. Nous pouvons croire que la mort apporte simplement de nouvelles formes d'amour qui se révèleront elles-mêmes.
Ainsi, depuis toujours, le Christ est «revenu» - encore et encore - dans toute chose créée, attirant la création vers une totalité, une plénitude et une union plus grandes.
«Et la Parole [ou le projet] devint chair, et demeura parmi nous, et nous vîmes sa gloire, la gloire du Fils unique, plein de grâce et de vérité ... Car, de sa plénitude nous avons tous reçu grâce sur grâce » (Jean 1, 14-16).
Le mystère du Christ est révélé chaque fois que vous pouvez voir le psychique et le physique coexister, à tout moment, dans n'importe quel événement et dans n'importe quelle personne. L'espoir de Dieu pour l'histoire semble être que l'humanité soit un jour capable de reconnaître sa propre dignité en tant que demeure divine, ce qu'elle partage également avec le reste de la création. (Si nous ne pouvons pas honorer notre propre dignité humaine, comment pourrions-nous reconnaître et honorer la dignité inhérente aux fauvettes, au blé d'hiver ou à l'eau elle-même ?)
Dieu crée des choses qui se créent elles-mêmes, et nous sommes appelés à être co-créateurs avec Dieu (Romains 8, 28). Au lieu que Jésus vienne nous accomplir, nous avons à réaliser le Christ cosmique (Colossiens 1, 17-20, 24).
L'évolution, l'idée que quelque chose se déroule et s’accomplit, est un processus actif et continu. Nous faisons tous partie de ce mouvement du Christ cosmique qui ne cesse de grandir et qui se manifeste dans ce grand acte de naissance (Romains 8, 22).
Je ne sais pas quand cela arrivera ni à quoi ressemblera le point de basculement, lorsque le mystère du Christ arrivera à la plénitude. Tout ce que je sais, c'est que cette signification, plantée au milieu des choses, nous donne la direction, le but, l'espoir et la confiance.
Nous vivons encore dans l'entre-deux, avançant lentement, avec beaucoup de résistance et de recul. La création «gémit par anticipation... se tenant sur la pointe des pieds, attendant la révélation des fils et des filles de Dieu» (Romains 8, 22-23). L'évolution n'est jamais un chemin rectiligne, mais parcourt trois pas en avant et deux pas en arrière, comme nous le voyons à travers l'Écriture, l'histoire, la nature et dans nos propres vies. Nous combattons le changement et la mort de notre petit moi ; nous évitons l'incertitude et l'inconnu.
Pourtant, la descente dans les ténèbres est nécessaire à toute vie, à toute transformation et à de nouvelles expressions de Dieu. La création commence avec l'Esprit planant au-dessus d'un abîme informe et sombre pour produire la lumière et la vie.
Quand nous exigeons un achèvement de l'histoire selon nos conditions, quand nous demandons d’être débarrassés de notre anxiété ou de notre insatisfaction en disant: «Pourquoi la vie m'a-t-elle laissé tomber ? Pourquoi n'ai-je pas obtenu ce que je voulais ou espérais ? nous refusons de dire « Viens, Seigneur Jésus ». Nous refusons de tenir le coup pour que l'histoire soit achevée.
L'espoir fondamental exige une croyance fondamentale dans un monde qui continue à se dérouler. Rester sur la route, faire confiance à la trajectoire, savoir qu'elle bouge et continuer à se déplacer vers un ailleurs toujours meilleur, est juste une autre façon de décrire la foi. La pensée évolutionniste est en fait une pensée contemplative, car elle laisse le champ complet de l’avenir entre les mains de Dieu et accepte de se tenir humblement dans le présent. La pensée évolutionniste permet à la fois de savoir et de ne pas savoir.
« Viens, Seigneur Jésus », le mantra de l'Avent, signifie que toute l'histoire doit vivre à partir d'une sorte de vide délibéré, d'un non-accomplissement choisi. La plénitude parfaite est toujours à venir; nous n'avons pas besoin de l'exiger maintenant. Cela maintient le champ de la vie ouvert à la grâce et à un avenir créé par Dieu, à travers notre abandon et notre participation créative.
C'est ce que signifie être éveillé, ce que signifie être dans l'Avent : conscient, vivant, attentif, alerte, dans l’anticipation. L'Avent est, avant tout, un appel à la pleine conscience et un avertissement du prix élevé de la conscience.
« Viens, Seigneur Jésus » est un saut dans le genre de liberté et de soumission appelé, à juste titre, vertu d'espoir : la volonté patiente et confiante de vivre sans fermeture, sans résolution, et d'être encore heureux et content parce que notre satisfaction est maintenant à un autre niveau, et que notre source est au-delà de nous-mêmes. Nous pouvons croire que le Christ reviendra, tout comme Jésus est venu dans notre passé, dans nos dilemmes privés et dans notre monde de souffrance. Notre passé devient alors notre prologue, et «Viens Seigneur Jésus » n'est pas un cri de désespoir, mais un cri assuré d'espoir cosmique.
C'est la bonne nouvelle que les anges ont donnée à Marie et aux bergers d'une manière spécifique et concrète. Nous pouvons maintenant avoir confiance que cette histoire - et nos petits rôles au sein de l'histoire plus large - évolue dans un sens positif. Nous qui connaissons la fin depuis le commencement, qui croyons au mystère du Christ, devons participer au mouvement vers la plénitude de l'union amoureuse de tout être vivant. Nous sommes la seconde venue du Christ !
[Prêtre franciscain, Richard Rohr écrit et enseigne sur Dieu, l'humanité et l'univers à partir d'une tradition franciscaine et mystique. Cet article a été publié pour la première fois sur le blog de Sr. Ilia Delio au Centre Omega à www.omegacenter.info.]