Pierre-Bienvenu Noailles : UN SEMINARISTE HEUREUX

Le 8 février, nous célébrons l’anniversaire du décès de Pierre- Bienvenu Noailles.  Un moment privilégié pour se pencher sur le bilan d’une vie qui continue aujourd’hui de porter des fruits…Et en cette année du sacerdoce, nous voulons, parmi les différentes facettes de cette vie si riche, mettre en valeur sa vocation sacerdotale. Pierre –Bienvenu Noailles a été un séminariste heureux, puis un prêtre heureux, comme il l’a exprimé souvent.

Dans ce site, dans la partie réservée au Fondateur, vous trouverez bien des informations concernant son parcours ; dans cet article, nous nous arrêterons plutôt sur des notes personnelles, des textes écrits au moment de son séminaire. Au-delà du style propre à l’époque nous y découvrons l’itinéraire de celui qui se laisse guider par la grâce.

Pierre-Bienvenu a découvert l’Absolu de Dieu, l’ampleur de l’amour qui fait fondre toutes les illusions. Il ne peut plus vivre que pour Lui seul.

« Quand le Seigneur laisse tomber un regard de miséricorde sur quelque grand pécheur, il le dégage lui-même des entraves qui le retenaient […]Il dissipe les ténèbres qui l’environnent, et de peur que la vue de sa bassesse et de ses égarements passés ne le découragent, il lui dit au fond du cœur : ne crains point, tu es faible, mais je suis le Dieu fort et ceux que j’arme sont invincibles, tu es petit parmi les hommes, mais Dieu seul est grand et après lui ceux qui le servent.[…]

Heureux au contraire, heureux celui qui se réfugie dans l’intérieur de Jésus et qui se laisse diriger par ce divin Maître ; celui-ci a trouvé la voie, la vérité et la vie.[…]Comment se plaindre des fatigues de la route quand on voyage avec un Dieu qui porte le fardeau de ceux qui le suivent, qui leur tend encore la main pour les aider ?

[…] 0h ! Qu’il doit être heureux celui qui a fixé sa demeure dans votre intérieur ! Celui qui médite jour et nuit au fond de votre cœur adorable ! Aimable Jésus, introduisez-moi dès aujourd’hui dans cette paisible retraite ; c’est là que je veux puiser tout ce que je dois savoir, tout ce que je dois enseigner, tout ce que je dois ressentir.» (Notes d’Issy 1817- S4, 183 à 189)

Le séminaire est un temps qui permet à Pierre-Bienvenu, dans la confiance, de regarder son passé et de vivre intensément le présent. Aimé de Dieu tel qu’il est, pardonné et conduit par lui, il goûte le bonheur et la soif d’un don absolu.

« Oui, mon Dieu, heureux celui qui comprend ce que c’est que de vous aimer : hélas, je l’ai ignoré bien longtemps ! Et cependant quels bienfaits n’ai-je pas reçus de vous ! O mon adorable Jésus, qui pourrait mesurer l’étendue de votre amour !

[…]Prenez mon cœur puisque vous le voulez, je vous le donne ; faites-en tout ce que vous voudrez ; enflammez-le donc de votre amour, qu’il brûle, qu’il ne respire plus que pour vous. Soyez mon père, ma mère, mon ami, soyez tout pour moi. Je renonce à tout, je ne veux plus que vous ; ô mon bien-aimé : dans les joies et les afflictions, dans la vie et la mort, je ne songerai plus qu’à vous, je ne chercherai plus que votre amour, et tout mon bonheur, toute mon occupation sur cette terre sera de méditer sur l’amour que vous m’avez témoigné […] »(Issy 1817)

Ses  notes personnelles nous révèlent la continuité de ce chemin de grâce. Durant sa retraite en 1818, il écrit :
« O mon Dieu, ce ne seront pas ceux qui auront eu le plus de connaissance et de talents, ni ceux qui auront fait le plus de mortifications et de grandes choses qui recevront de plus grandes récompenses. Ce sont ceux qui auront aimé, qui auront toujours fait votre volonté et qui se seront détachés de tout ce qui n’est pas vous. Veuillez donc me faire acquérir ces trois vertus : l’amour, la soumission à votre volonté, l’abnégation de moi-même. »

L’appel  au diaconat marque un pas décisif pour Pierre-Bienvenu. C’est une réponse officielle à l’appel de l’Eglise. Au-delà des doutes, la joie et la reconnaissance transparaissent dans ce qu’il exprime en décembre 1818, trois jours après l’ordination au diaconat :

« Pour obéir à cet adorable Sauveur il fallait surmonter des obstacles, s’imposer quelques sacrifices ; cela eût été sans doute au-dessus de mes forces, mon bon Maître a tout fait. Il a brisé mes liens, il m’a conduit dans cette sainte maison. Ce n’était pas encore assez : plein de faiblesse, plein d’ignorance et commençant néanmoins à savoir ce que c’est qu’un prêtre, j’hésitai au moment de franchir le seuil du sanctuaire : ce fut encore mon bon Maître qui me tendit la main pour me presser d’aller à Lui comme un bon fils se jette dans les bras du plus tendre des pères. »

Avec une disponibilité totale le jeune diacre confiant envisage son avenir :
« Hé bien ! Seigneur, c’est ainsi que je m’abandonne à vous et à Marie. Conduisez-moi dans toutes mes études et dans la pratique des vertus que vous voulez que je pratique.  Lorsqu’il
 faudra quitter cette sainte maison, recevez-moi encore entre vos bras ; portez-moi jusqu’aux extrémités de cette terre ou ramenez-moi dans les lieux qui m’ont vu naître ; placez-moi au milieu des campagnes ou dans le sein des villes, dans le ministère ou dans la retraite, peu m’importe, ô mon Dieu ! pourvu que Jésus et Marie soient toujours avec moi.

Les notes personnelles de Pierre-Bienvenu Noailles nous font saisir l’ampleur de la grâce reçue à Saint Sulpice. Elle se vérifie dans les témoignages de ses compagnons de séminaire, de ses professeurs : Il comptait parmi les plus fervents, son bonheur était de parler de Dieu… (Témoignage de M. Hamon cité dans les Mémoires des contemporaines) et aussi de sa famille, notamment d’Amand, son frère prêtre  : Les lettres qu’il m’écrivait et que je regrette de ne pas avoir conservées, ne respiraient que la piété et la ferveur. Mon cher frère, me disait-il, soyons de saints séminaristes pour être un jour de saints prêtres. »

Ce beau texte de maitre Johannes Eckart, mystique du Moyen- Age, peut d’une certaine manière imager l’expérience de Dieu du jeune séminariste qui désormais ne voudra plus vivre que pour Dieu Seul :

Comme le feu et le bois

« Le dessin de Dieu est de se donner à nous, entièrement.
De même que le feu veut attirer le bois à lui et s’infuser lui-même dans le bois, il trouve d’abord le bois dissemblable à lui. Il lui faut un certain temps. Le feu commence par le chauffer légèrement, puis un peu plus, enfin se produisent fumées et crépitements, parce qu’il lui est dissemblable.
Plus le bois s’échauffe, plus tout se tranquillise et se calme, et plus il s’assimile au feu, plus il est paisible, jusqu’à ce qu’il soit entièrement devenu flamme. Pour que le bois se transforme en feu, il faut que soit chassée toute dissemblance. »

(Jean Vernette - Paraboles pour aujourd’hui)


 

Article réalisé à partir du Dossier 2 : Pierre-Bienvenu Noailles - Chemin de sainteté