JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX

Chaque année nouvelle porte en elle l’attente d’un monde meilleur. Dans cette perspective, fondée sur la foi, je prie Dieu, Père de l’humanité, de nous donner la concorde et la paix afin que puissent se réaliser pour tous les aspirations à une vie heureuse et prospère.

 

HEUREUX LES ARTISANS DE PAIX

 

 

1. Chaque année nouvelle porte en elle l’attente d’un monde meilleur. Dans cette perspective, fondée sur la foi, je prie Dieu, Père de l’humanité, de nous donner la concorde et la paix afin que puissent se réaliser pour tous les aspirations à une vie heureuse et prospère.

 

Notre temps en effet, marqué par la mondialisation, avec ses aspects positifs et négatifs, mais aussi par des conflits sanglants toujours en cours et par des menaces de guerre, demande un engagement renouvelé et collectif pour la recherche du bien commun, du développement de tous les hommes et de tout l’homme.

 

Les foyers de tension et d’opposition causés par des inégalités croissantes entre riches et pauvres, par la prévalence d’une mentalité égoïste et individualiste qui s’exprime également au travers d’un capitalisme financier sans régulation, nous inquiètent. En plus des différentes formes de terrorisme et de criminalité internationales, les fondamentalismes et les fanatismes qui défigurent la vraie nature de la religion, appelée qu’elle est à favoriser la communion et la réconciliation entre les hommes sont autant de dangers pour la paix.

 

La béatitude évangélique

 

2. Les béatitudes, proclamées par Jésus (cf. Mt 5,3-12 et Lc 6,20-23), sont autant de promesses. Dans la tradition biblique en effet, le genre littéraire correspondant à la béatitude porte toujours en lui-même une bonne nouvelle, c’est-à-dire un évangile, qui culmine en une promesse. Les béatitudes ne sont donc pas seulement des recommandations morales dont l’observance prévoit, au temps prescrit – temps généralement situé dans l’autre vie –, une récompense, c’est-à-dire une situation de bonheur à venir. La béatitude consiste plutôt en l’accomplissement d’une promesse adressée à tous ceux qui se laissent guider par les exigences de la vérité, de la justice et de l’amour. Ceux qui mettent leur foi en Dieu et en ses promesses apparaissent souvent aux yeux du monde naïfs et éloignés de la réalité.

 

Quand on accueille Jésus-Christ, Homme-Dieu, on vit la joyeuse expérience d’un don immense : le partage de la vie même de Dieu, ou encore la vie de la grâce, prémisse d’une existence pleinement heureuse. Jésus-Christ nous donne en particulier la paix véritable qui naît de la rencontre confi ante de l’homme avec Dieu.

 

La paix : don de Dieu et œuvre de l’homme

 

3. La paix concerne l’intégrité de la personne humaine et appelle l’implication de tout l’homme. C’est la paix avec Dieu, en vivant selon sa volonté. C’est la paix intérieure avec soi-même et la paix extérieure avec le prochain et avec toute la création.

La paix n’est pas un rêve, ce n’est pas une utopie : elle est possible. Nos yeux doivent regarder plus profondément, sous la surface des apparences et des phénomènes, pour distinguer une réalité positive qui existe dans les cœurs parce que tout homme est créé à l’image de Dieu, et appelé à grandir, contribuant à l’édification d’un monde nouveau. Dieu lui-même en effet, par l’incarnation de son Fils et la rédemption qu’il réalise, est entré dans l’histoire, suscitant une nouvelle création et une nouvelle alliance entre Dieu et l’homme (cf. Jer 31,31-34), nous donnant la possibilité d’avoir « un cœur nouveau » et « un esprit nouveau » (cf. Ez 36,26).

 

Les artisans de paix sont ceux qui aiment, défendent et promeuvent la vie dans son intégralité

 

4. Le chemin de réalisation du bien commun et de la paix est avant tout le respect pour la vie humaine, considérée dans la variété de ses aspects, à commencer par sa conception, dans son développement, et jusqu’à son terme naturel. Les vrais artisans de paix sont alors ceux qui aiment, défendent et promeuvent la vie humaine en toutes ses dimensions : personnelle, communautaire et transcendante. La vie en plénitude est le sommet de la paix. Qui veut la paix ne peut tolérer des atteintes ou des crimes contre la vie.

 

La structure naturelle du mariage doit être aussi reconnue et promue, c’est-à-dire l’union entre un homme et une femme, face aux tentatives de la rendre juridiquement équivalente à des formes radicalement différentes d’union qui, en réalité, la dénaturent et contribuent à la déstabiliser, éclipsant son caractère particulier et son rôle social irremplaçable.

 

Ces principes ne sont pas des vérités de foi ; ils ne sont pas non plus seulement une conséquence du droit à la liberté religieuse. Ils sont inscrits dans la nature humaine elle-même, identifiables par la raison, et donc communs à toute l’humanité. L’action de l’Église en faveur de leur promotion ne revêt donc pas un caractère confessionnel mais s’adresse à toutes les personnes, quelle que soit leur appartenance religieuse. Cette action est d’autant plus nécessaire que ces principes sont niés ou mal compris, car cela constitue une offense faite à la vérité de la personne humaine, une grave blessure infligée à la justice et à la paix.

 

Construire le bien de la paix par un nouveau modèle de développement et d’économie

 

5. De plusieurs côtés, il est reconnu qu’aujourd’hui un nouveau modèle de développement comme aussi un nouveau regard sur l’économie s’avèrent nécessaires. Aussi bien le développement intégral, solidaire et durable, que le bien commun, exigent une échelle correcte de “biens-valeurs”, qu’il est possible de structurer en ayant Dieu comme référence ultime.

 

Dans le domaine économique, il est demandé, spécialement de la part des États, des politiques de développement industriel et agricole qui aient le souci du progrès social et de l’universalisation d’un État de droit, démocratique. Ensuite, la structuration éthique des marchés monétaires, financiers et commerciaux est fondamentale et incontournable; ceux-ci seront stabilisés et le plus possible coordonnés et contrôlés, de façon à ne pas nuire aux plus pauvres. La sollicitude des nombreux artisans de paix doit en outre se mettre – avec plus de résolution par rapport à ce qui s’est fait jusqu’à aujourd’hui – à considérer la crise alimentaire, bien plus grave que la crise financière. Le thème de la sécurité des approvisionnements alimentaires en est venu à être central dans l’agenda politique international, à cause de crises connexes, entre autre, aux fluctuations soudaines des prix des matières premières agricoles, aux comportements irresponsables de certains agents économiques et à un contrôle insuffisant de la part des gouvernements et de la communauté internationale. Pour faire face à cette crise, les artisans de paix sont appelés à œuvrer ensemble en esprit de solidarité, du niveau local au niveau international, avec pour objectif de mettre les agriculteurs, en particulier dans les petites réalités rurales, en condition de pouvoir exercer leur activité de façon digne et durable, d’un point de vue social, environnemental et économique.

 

Éducation pour une culture de paix : le rôle de la famille et des institutions

 

6. Je désire rappeler avec force que les nombreux artisans de paix sont appelés à cultiver la passion pour le bien commun de la famille et pour la justice sociale, ainsi que l’engagement en faveur d’une éducation sociale valable.

 

Dans cette immense tache de l’éducation à la paix, les communautés religieuses sont particulièrement impliquées. L’Église se sent partie-prenante d’une si grande responsabilité à travers la nouvelle évangélisation, qui a comme pivot la conversion à la vérité et à l’amour du Christ, et, par conséquent, la renaissance spirituelle et morale des personnes et des sociétés. La rencontre avec Jésus Christ façonne les artisans de paix en les engageant à la communion et au dépassement de l’injustice.

 

Le monde actuel, particulièrement le monde politique, a besoin du support d’une nouvelle pensée, d’une nouvelle synthèse culturelle, pour dépasser les approches purement techniques et harmoniser les multiples tendances politiques en vue du bien commun. Celui-ci, considéré comme un ensemble de relations interpersonnelles et institutionnelles positives, au service de la croissance intégrale des individus et des groupes, est à la base de toute éducation véritable à la paix.

 

Une pédagogie de l’artisan de paix

 

7. En conclusion, ressort la nécessité de proposer et de promouvoir une pédagogie de la paix. Elle demande une vie intérieure riche, des références morales claires et valables, des attitudes et des manières de vivre appropriées. En effet, les œuvres de paix concourent à réaliser le bien commun et créent l’intérêt pour la paix, en éduquant à la paix. Pensées, paroles et gestes de paix créent une mentalité et une culture de la paix, une atmosphère de respect, d’honnêteté et de cordialité. Il faut alors enseigner aux hommes à s’aimer et à s’éduquer à la paix, et à vivre avec bienveillance, plus que par simple tolérance. L’encouragement fondamental est celui de « dire non à la vengeance, de reconnaître ses torts, d’accepter les excuses sans les rechercher, et enfin de pardonner », de sorte que les erreurs et les offenses puissent être reconnues en vérité pour avancer ensemble vers la réconciliation.

 

BENOÎT XVI